Faut-il réinventer son rapport au numérique ?

Rédigé par : Sélim Dahmani
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Alors qu'il n'y a jamais eu autant de solutions numériques professionnelles accessibles, le « technostress » est un phénomène bien réel qui peut nuire au bien-être ainsi qu'à la productivité individuelle et collective. Pour continuer à profiter pleinement des dernières innovations technologiques tout en évitant la surcharge, les entreprises doivent être vigilantes et adopter un certain nombre de bonnes pratiques.

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Des outils numériques omniprésents

Selon un sondage réalisé par OpinionWay pour Éléas en 2018, 43 % des salariés utilisent des outils numériques professionnels plus de 6 heures par jour. Toutefois, il semblerait qu'ils soient partagés quant à l'impact de ces outils sur le contenu de leur travail. Si la majorité d'entre eux observe un effet positif sur la réactivité, l'autonomie professionnelle, l'organisation du travail ou encore la gestion des urgences, plus d'un tiers ne constate aucun impact ou note un effet négatif. De nombreux salariés évoquent ainsi la fatigue et un tiers mentionne le stress, un sentiment de submersion et une diminution des capacités de concentration. Ce phénomène a un nom : le « technostress » ou stress technologique. Inventé en 1984 par le psychologue Craig Brod, il serait la conséquence d'une utilisation excessive des technologies de l'information et de la communication au regard de ses capacités d'adaptation. Il faut dire que le nombre d'outils numériques professionnels disponibles actuellement n'a jamais été aussi important. Selon une étude menée par OpenText en 2020, près de la moitié des Français estiment que le nombre de sources d'information (messageries, fils d'actualité, réseaux sociaux, Intranets, dossiers partagés, etc.) qu'ils consultent chaque jour a augmenté au cours des cinq dernières années. Selon Benoît Perriquet, vice-président Worldwide Head Global Accounts d'OpenText, « les utilisateurs ont donné la preuve de leur volonté à adopter de nouveaux services et outils mais ils éprouvent aussi des difficultés à gérer de multiples comptes et sources d'information. Les entreprises doivent prendre conscience de cette tendance et trouver des solutions pour réduire la complexité, simplifier les workflows et les processus et offrir une expérience attractive à leurs clients comme à leurs employés ».

Alors que près de 4 salariés sur 10 ont l'impression de recevoir trop d'informations, l'infobésité est un sujet sérieux dont les entreprises doivent se préoccuper. « L'infobésité génère une perte de productivité qui est égale à environ 30 % du temps de travail d'un salarié français. À chaque fois que vous êtes interrompu dans vos tâches par une notification, le temps pour se reconcentrer sur la tâche initiale est entre 10 et 20 fois le temps de la distraction. Donc, à chaque fois que quelqu'un s'interrompt dans son travail pour traiter un e-mail ou une notification quelconque, il perd énormément de temps. Au final, c'est la productivité de l'organisation qui est menacée mais c'est aussi son innovation », a affirmé dans une interview Caroline Sauvajol-Rialland, spécialiste française de l'infobésité. Lutter contre ce phénomène permettrait donc aux employés d'avoir une meilleure gestion du temps.

Outre, une baisse de productivité, de la fatigue, du stress et des difficultés de concentration, les collaborateurs qui doivent jongler avec un nombre important d'applications peuvent également développer une forme de lassitude vis-à-vis du numérique. Celle-ci peut se traduire par une réticence à l'idée de devoir adopter de nouveaux outils, une difficulté à se les approprier voire même, l'abandon de certaines solutions déjà en place. À l'échelle collective, cela peut évidemment avoir des conséquences importantes sur l'organisation du travail et la collaboration.

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    Surcharge d'outils numériques : comment faire face ?

    Le sondage mené par OpinionWay pour Éléas a révélé que la pause individuelle est le principal moyen utilisé par les salariés pour lutter contre le stress lié au flux d'informations et à l'utilisation des outils numériques. Ainsi, 45 % des personnes interrogées déclarent faire des pauses toutes les deux heures pour pratiquer une activité récréative autre que le travail. Elles sont par ailleurs 27 % à réserver un créneau horaire dédié exclusivement à la gestion de ces informations, 24 % à éteindre ponctuellement certains outils et presque tout autant à définir une durée précise avant de les consulter. Si les salariés trouvent des astuces, les entreprises, elles, semblent avoir du mal à identifier des solutions. Certaines créent des chartes de bonnes pratiques concernant les e-mails ainsi que des règles de déconnexion, d'autres imposent une obligation de faire une ou plusieurs pauses dans la journée et misent sur l'exemplarité managériale en matière de gestion de l'information et de déconnexion. Toutefois, 41 % des sondés déclarent que leur entreprise ne met en place aucune action. « Ce manque important d'accompagnement appelle des solutions précises en matière de bonnes pratiques pour mieux encadrer et améliorer les usages des outils numériques professionnels », affirment les auteurs du sondage. Mais comment lutter contre l'infobésité et la surcharge d'outils alors même que le numérique est aujourd'hui indispensable au bon fonctionnement et à l'innovation d'une entreprise ? Tout simplement en réinventant son rapport à la technologie. L'enjeu étant bel et bien de continuer à profiter pleinement des dernières innovations tout en évitant la surcharge.

     

    Les bonnes pratiques pour éviter la surcharge


    Impliquer les collaborateurs pour sélectionner les bons outils numériques

    Pour éviter de crouler sous les outils numériques, il faut d'abord prêter une attention particulière à leur sélection. La nouvelle solution pourra-t-elle être facilement adoptée ? C'est un point important car il arrive que certains outils présentent toutes les options recherchées mais qu'ils offrent une expérience utilisateur de piètre qualité, compromettant leur adoption et leur utilisation de manière efficace.

    Il faut se demander également si certaines fonctionnalités se chevauchent et si la nouvelle solution pourra véritablement permettre de supprimer des applications actuellement utilisées au sein de l'entreprise. Afin de faire le meilleur choix, il semble essentiel d'impliquer les collaborateurs en les invitant à exprimer leurs ressentis mais aussi à préciser leurs besoins et les difficultés concrètes rencontrées au quotidien.

    Choisir des outils numériques tout-en-un

    Une étude menée en 2017 par Harmon.ie a révélé que la plupart des salariés ont entre 5 et 9 applications professionnelles ouvertes en même temps et que plus d'un tiers d'entre eux doivent ouvrir de multiples fenêtres pour trouver l'information dont ils ont besoin. Selon cette même étude, plus de 4 personnes sur 10 estiment que si toutes les informations importantes apparaissaient sur une seule fenêtre, cela serait plus simple de rester concentré. À la lumière de ces résultats, il semble donc important de privilégier autant que possible les outils tout-en-un afin d'éviter un fatiguant jonglage avec un nombre trop important d'applications et d'informations. Lorsque cela n'est pas possible, il faut alors favoriser des solutions pouvant s'intégrer facilement aux outils existants.

    Réaliser un suivi

    Dès lors que la nouvelle solution est adoptée par les équipes, il faut s'assurer qu'elle est correctement utilisée. En effet, l'impression de surcharge peut aussi provenir de fonctionnalités inexploitées ou d'une mauvaise intégration et synchronisation. Afin de remédier à ces problèmes, l'entreprise Polarity suggère de nommer un responsable pour chaque nouvelle solution numérique implantée. Un suivi de l'efficacité et de la fréquence d'utilisation peut ainsi être réalisé et la nécessité d'un éventuel remplacement peut être régulièrement évaluée. Par ailleurs, elle propose également de déterminer combien de fois l'outil doit être utilisé chaque mois pour justifier son renouvellement.

    Automatiser les tâches

    Pour réduire la charge de travail associée à l'utilisation de plusieurs outils et limiter par la même occasion le risque d'erreur, il est possible d'automatiser un maximum de tâches et processus. Toutefois, cela implique évidemment d'avoir sélectionné au préalable les bons logiciels et de s'être assuré qu'ils sont équipés des fonctionnalités indispensables à l'automatisation. Selon une étude commanditée par Automation Anywhere et menée auprès de 10 000 employés de bureau dans une douzaine de pays, 3 heures sont consacrées en moyenne chaque jour à des tâches manuelles et répétitives. Près de la moitié des employés trouvent ces tâches administratives rébarbatives et la majorité d'entre eux estime que cela réduit leur productivité globale. Il n'est donc pas étonnant que 85 % des sondés se disent attirés par un travail dans une entreprise qui investit dans l'automatisation pour réduire les tâches administratives numériques répétitives.

    Préserver l'attention

    Préserver l'attention avec les outils numériques

    Source : Microsoft

    Lutter contre les troubles liés à la surcharge d'outils numériques professionnels passe aussi par une éducation de l'attention. Il s'agit d'un point particulièrement important parce que les capacités attentionnelles de l'être humain déclinent : selon une étude publiée par Microsoft, elles seraient passées de 12 à 8 secondes entre 2000 et 2013, si bien que certains spécialistes parlent aujourd'hui d'une véritable crise de l'attention.

    Des recherches conduites en 2017 par la McCombs School of Business de l'Université du Texas ont révélé que même un smartphone en mode silencieux peut être source de distraction si celui-ci se trouve à côté de son propriétaire. En effet, selon les auteurs de l'étude, ce ne sont pas les notifications qui perturbent les utilisateurs mais plutôt le fait que leur cerveau doive lutter contre l'envie d'utiliser le téléphone. À la lumière de ces résultats, il est aisé d'imaginer qu'une messagerie électronique professionnelle constamment ouverte puisse également perturber l'attention.

    Alors que la plupart des salariés ont entre 5 et 9 applications ouvertes en même temps, il apparaît indispensable de prendre de nouvelles habitudes. Il peut ainsi être bénéfique de veiller à toujours fermer les applications qui ne sont pas indispensables à l'exécution des tâches immédiates et de réserver, dans son agenda, des créneaux horaires dédiés au traitement de certaines informations. Par ailleurs, il peut être intéressant d'optimiser les capacités de concentration de son cerveau en optant par exemple pour la méthode Pomodoro : celle-ci consiste à effectuer des cycles de travail de 25 minutes, entrecoupés de pauses de deux à trois minutes. Enfin, il est aussi possible d'imiter l'entreprise Alan qui a fait le choix de supprimer les notifications sur la plateforme collaborative utilisée par ses équipes, permettant ainsi aux employés de ne pas être dérangés à chaque nouveau message et de décider à quel moment ils souhaitent interagir.


    Comment encourager l'adoption de nouveaux outils numériques ?

    En 2015, 37 % des logiciels installés en entreprise n'étaient pas utilisés. Aux États-Unis, cela représentait une perte de 30 milliards de dollars. C'est dire si l'adoption des outils numériques par les collaborateurs est un enjeu fort.

     

    Apprivoiser la peur du changement

    Apprivoiser la peur du changement

    Source : Ifop

    La résistance au changement est un phénomène fréquemment observé en entreprise qui peut perturber l'adoption de certaines solutions. Selon une étude réalisée en 2016 par Empreinte Humaine en collaboration avec l'Ifop, 78 % des salariés considèrent que les changements sont nécessaires mais un sur deux estime qu'ils sont trop nombreux, trop fréquents et trop inquiétants.

    Alors que les changements dans les processus et les méthodes de travail font partie des plus marquants, l'expert en leadership et transformation Jacques Angot a livré ses conseils à Welcome to the Jungle pour mieux vivre ces moments. Selon lui, il faut être acteur du changement, déterminer ce qui est en jeu, l'anticiper, se demander ce que cela peut apporter et se faire aider.


    Informer et rassurer

    Pour encourager l'adoption d'un nouvel outil, il est indispensable de démontrer son utilité et de faire preuve de transparence. Pourquoi son utilisation est-elle nécessaire ? En quoi sera-t-il bénéfique à l'échelle individuelle et collective ? Quels sont ses avantages par rapport à la solution qu'il s'apprête à remplacer ? Quand le changement aura-t-il lieu ? De quelle manière sera-t-il mené ? Pour s'engager pleinement dans un changement, un salarié sur deux exige une communication régulière et précise.

    Par ailleurs, il est important de se montrer rassurant en évoquant par exemple les résultats obtenus par les équipes qui ont déjà adopté cette solution et en expliquant que tous les collaborateurs seront accompagnés.

     

    Former

    Pour 61 % des personnes sondées par l'Ifop, la formation des salariés au changement est importante. Les sessions de formation peuvent être collectives mais aussi individuelles, en accord avec les besoins de chaque poste. Elles sont alors l'occasion de démontrer que la maîtrise du nouvel outil participe aussi bien à la performance de l'entreprise qu'au développement des compétences personnelles.

    Il est possible de compléter chaque session par l'envoi d'un guide de bonnes pratiques auquel les collaborateurs pourront se référer quand bon leur semble.


    Organiser un espace d'échange

    Lors d'un changement, 67 % des salariés considèrent que leur direction ne tient pas compte de leurs craintes et suggestions et 63 % estiment qu'ils n'ont pas l'occasion de s'exprimer. L'organisation d'un espace d'échange peut donc contribuer à lever un certain nombre de freins. Pour encourager le partage des impressions et des connaissances quant à l'adoption d'un nouvel outil numérique, il est par exemple possible de créer une foire aux questions (FAQ) rassemblant toutes les contributions des collaborateurs. L'envoi de questionnaires pour évaluer la satisfaction peut également permettre de prendre conscience de l'existence de certains freins persistants.


    Miser sur le soutien managérial

    Il est important que les employés puissent obtenir facilement des réponses aux questions qu'ils se posent lors de la prise en main d'une nouvelle application. 61 % d'entre eux considèrent d'ailleurs qu'un accompagnement de proximité pour donner des explications et aider ceux qui en ont besoin est l'une des conditions pour s'engager pleinement dans le changement. De ce fait, les managers ont un rôle essentiel à jouer. Ils doivent se montrer exemplaires en utilisant l'application régulièrement mais aussi faire preuve de disponibilité pour épauler les membres de leur équipe. Si nécessaire, des sessions de formation spécifiques peuvent leur être proposées.


    Choisir des ambassadeurs et motiver les collaborateurs

    Il peut être intéressant de choisir des ambassadeurs au sein de l'entreprise pour faire la promotion de la solution adoptée, communiquer sur les bénéfices qui ont été observés, partager les bonnes pratiques et répondre aux questions des collaborateurs. Il faut toutefois veiller à choisir des profils adaptés. Les personnes influentes, de par leur expérience ou leur personnalité, aimant transmettre leurs connaissances et s'intéressant aux nouvelles technologies sont les plus à même de convaincre le reste des membres de l'entreprise.

    Par ailleurs, pour motiver les employés et accélérer le processus d'adoption, il est également possible de mettre en place des concours. Par exemple, le fait d'offrir un bon d'achat aux premières personnes qui effectueront une liste d'actions spécifiques sur la nouvelle application peut créer une véritable émulation.


    Pour éviter la surcharge d'outils tout en facilitant l'adoption de nouvelles solutions technologiques essentielles à leur performance, les entreprises doivent donc réinventer leur rapport au numérique. Pour cela, elles doivent résister à la tentation d'apporter une réponse technologique immédiate à chaque problème qui se présente et observer attentivement les pratiques de leurs collaborateurs afin d'identifier les problèmes de fond qui nuisent à la productivité individuelle et collective. Comme le résume José Manuel Castillo, chercheur en ergonomie et psychologie du travail et auteur d'un article consacré au technostress, « s'intéresser à la façon dont les travailleurs utilisent la technologie et aux risques de son utilisation permettra de mettre en place de meilleures campagnes pour améliorer la qualité de vie au travail et bien sûr la productivité des collaborateurs ».

     

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