A ses débuts dans les années 1950-1960, l'intelligence artificielle n'était qu'un outil d'aide à l'humain. Elle a évolué au gré des avancées technologiques jusqu'à devenir capable - entre autres - de produire du contenu de façon quasi-autonome.
Cela n'est pas sans soulever de nombreuses questions d'ordre éthique et juridique. Alors qu'en droit de la propriété intellectuelle toute œuvre appartient à celui ou celle qui l'a créée, la création produite par une intelligence artificielle demeure dans un flou juridique.
Sommaire
- Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?
- Comment l'intelligence artificielle peut-elle générer du contenu ?
- Les questions juridiques liées à l'utilisation d'outils d'IA
- Les contenus produits par l'intelligence artificielle sont-ils protégés par le droit d'auteur ?
- Les questions éthiques liées à l'utilisation d'outils d'IA
- Comment distinguer un contenu créé par un humain d'un contenu créé par une intelligence artificielle ?
Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?
L'intelligence artificielle est un processus permettant à des machines ou des systèmes d'imiter l'intelligence humaine pour réaliser diverses tâches. Toute intelligence artificielle repose sur une grande quantité de données : en effet, ce sont ces informations qui vont lui permettre d'apprendre et de créer son propre modèle.
Dans le cas de ChatGPT, l'intelligence artificielle fonctionne sur la synthétisation des idées les plus fréquemment rencontrées lors de son apprentissage.
Le développement de l'intelligence artificielle s'est accéléré ces 20 dernières années, jusqu'à s'immiscer aujourd'hui dans la majorité des secteurs d'activités. Voici quelques exemples d'intelligence artificielle :
- Les chatbots.
- Les algorithmes de recommandation.
- Les assistants vocaux.
- Les systèmes de reconnaissance faciale.
Comment l'intelligence artificielle peut-elle générer du contenu ?
Aujourd'hui, plus de 35% des entreprises utilisent l'IA sous l'une de ses formes au moins. Sans surprise, les équipes de marketing et de rédaction SEO sont parmi les premières à avoir recours à l'IA pour créer du contenu, et ainsi gagner du temps sur leurs tâches quotidiennes.
L'intelligence artificielle se base sur le traitement de données à grande échelle et l'apprentissage automatique pour apprendre à effectuer des tâches sans intervention humaine. La rédaction de contenu par une IA utilise ce processus pour générer des textes aux formats divers, tels que des articles, des posts sur les réseaux sociaux, ou encore des messages publicitaires. L'intelligence artificielle permet également de trouver des informations sur un sujet ou d'obtenir des idées d'articles à écrire. L'objectif est de créer des lots de contenus génériques, qui pourront ensuite être personnalisés en fonction des caractéristiques de l'entreprise.
L'intelligence artificielle est également capable de créer des images, toujours grâce au modèle d'apprentissage automatique. Dans ce cas, des millions d'images sont scannées sur Internet, puis associées à des mots clé. L'algorithme est alors entraîné à faire des associations entre les images et les mots.
Les questions juridiques liées à l'utilisation d'outils d'IA
Droit d'auteur : définition et explications
Lorsque l'intelligence artificielle est utilisée en tant que simple outil d'assistance (par exemple : en tant que chatbot pour le service client d'une entreprise), aucun problème ne se pose en particulier. Cependant, dès lors qu'un contenu de type texte, dessin ou code est généré pour être utilisé par un tiers, il est légitime de s'interroger. Le contenu produit peut-il être qualifié d'œuvre de l'esprit et ainsi bénéficier de la protection par le droit d'auteur ? In fine, à qui appartiennent les contenus produits par l'intelligence artificielle ? Tout le monde peut-il légitimement les exploiter ?
Quelques précisions pour mieux comprendre. Au sens du droit de la propriété intellectuelle, on parle "d'œuvre de l'esprit" pour évoquer toute création qui résulte d'une activité intellectuelle ou artistique. Il peut s'agir d'un livre, d'un article, d'un dessin, d'un logiciel, d'une musique, etc. Dès son achèvement, l'œuvre de l'esprit et son auteur bénéficient d'une protection par le droit de la propriété intellectuelle : c'est le droit d'auteur.
Aucune démarche particulière n'est requise pour acquérir ce droit : il naît dès la naissance de l'œuvre.
La protection du droit d'auteur est énoncée à l'article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle :
« L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ».
L'article L.112-1 de ce même code protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, « quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination », à condition qu'elles soient des créations originales. L'originalité est entendue comme l'empreinte de la personnalité de l'auteur de l'œuvre.
Le cadre juridique sur le sujet de l'IA est encore flou
Le contenu généré par une IA est-il considéré comme une œuvre ? Si oui, est-elle protégée par le droit d'auteur ? A qui appartiennent les données à partir desquelles une intelligence artificielle est entraînée ? Si le contenu créé par une IA ne respecte pas la loi, parce qu'il est injurieux envers une catégorie de personnes par exemple, qui est responsable ?
Actuellement, faute de cadre juridique et réglementaire adéquat, l'intelligence artificielle défie ces notions élémentaires de propriété intellectuelle, telles que l'auteur, l'œuvre, ou l'originalité.
Dans ce contexte particulier, le Kindle Store d'Amazon recense plus de 200 livres rédigés ou co-rédigés par l'auteur “ChatGPT”. Les données et sources utilisées pour « l'écriture » de ces livres restent inconnues, car elles ne sont pas tracées.
Les contenus produits par l'intelligence artificielle sont-ils protégés par le droit d'auteur ?
En vertu de l'article L112-1 du Code de la propriété intellectuelle, toutes les œuvres de l'esprit sont protégées par le droit d'auteur, dès lors qu'elles sont originales. En revanche, une œuvre non originale ne peut pas bénéficier de la protection par le droit d'auteur. Or, une intelligence artificielle n'a pas d'esprit ni d'empreinte : son action est purement mécanique.
Par ailleurs, les outils conversationnels comme ChatGPT “avalent” un très grand nombre de données, ce qui soulève d'évidentes questions de propriété intellectuelle. Que se passe-t-il lorsqu'une IA fournit à un utilisateur un contenu identique ou similaire à une œuvre protégée par le droit d'auteur ? Quelle responsabilité peut-elle être retenue ?
Faute de réglementation claire (pour l'instant, le droit français n'a pas légiféré sur la question), il faut se pencher sur les conditions générales de chaque outil d'intelligence artificielle pour obtenir des réponses. En effet, chaque éditeur exploite ses outils et les contenus qu'il génère sous sa propre responsabilité. Il lui appartient donc de vérifier que les contenus produits ne contreviennent pas aux droits des tiers (droit de propriété intellectuelle ou droit à la vie privée).
Aujourd'hui, il existe tout de même un consensus juridique sur le fait qu'une intelligence artificielle ne peut pas être qualifiée d'auteur ou d'inventeur, que ce soit en matière de textes, d'images ou de sons. La responsabilité des contenus produits revient donc à l'éditeur : dans le cas de ChatGPT, il s'agit de l'entreprise OpenAI.
Au niveau européen, un cadre réglementaire commence à être posé. En 2021, la Commission Européenne a dévoilé son projet de réglementation sur l'intelligence artificielle, l'Artificial Intelligence Act. Ce projet a pour objectif d'encadrer l'intelligence artificielle pour la rendre fiable, durable, digne de confiance et respectueuse des droits humains. Les prochaines années seront donc déterminantes.
Les questions éthiques liées à l'utilisation d'outils d'IA
Du point de vue de l'éthique, de nombreuses questions se posent également ; notamment :
- En matière de transparence, car les données exploitées par les outils d'intelligence artificielle ne sont pas connues. Faute de traçabilité, il est difficile de s'assurer de leur origine et de leur pertinence. Cela pose aussi, comme soulevé plus haut, des questions relatives à la propriété intellectuelle. Initialement, qui est à l'origine de ces données ?
- En matière de responsabilisation, car les intelligences artificielles délivrent des informations de manière péremptoire. Or, ces informations peuvent être fausses et/ou non actualisées. Elles peuvent aussi contenir des biais. Cela pose un problème lorsque ces informations sont ensuite réutilisées, parfois dans un contexte professionnel dont les enjeux sont importants.
Comment distinguer un contenu créé par un humain d'un contenu créé par une intelligence artificielle ?
Certes, les textes générés par des IA sont de plus en plus soignés. Mais cela ne signifie pas pour autant que les informations qu'ils contiennent sont justes.
La journaliste spécialisée dans les questions d'intelligence artificielle Melissa Heikkilä, citée par Libération, explique ainsi que «Les phrases [produites par les IA] semblent correctes – elles utilisent les bons types de mots dans le bon ordre. Mais [...] ces modèles […] n'ont pas la moindre idée de ce qui est correct ou faux, et ils présentent avec assurance des informations comme vraies, même si elles ne le sont pas. »
Pour distinguer le contenu créé par un humain d'un contenu créé par une intelligence artificielle, il est donc possible de recourir à des logiciels de détection de plagiat, comme GPT-2 Output Detector, ou encore l'extension de navigateur Chrome GPTrue or False.
En somme, le recours à une intelligence artificielle peut permettre de détecter le contenu produit par… une autre intelligence artificielle.
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